Defis legaux et financiers des associations communautaires au Senegal : la formalisation est-elle necessaire ?

Les associations communautaires jouent un rôle essentiel dans le développement local au Sénégal, en particulier dans les zones rurales et les zones défavorisées. Ces organisations, souvent informelles, sont les moteurs des communautés, abordant des défis sociaux, économiques et environnementaux. Elles organisent des projets communautaires pour promouvoir le progrès et le développement, en se basant sur une connaissance approfondie des besoins locaux. Cependant, l’absence de reconnaissance légale et les infrastructures financières inadéquates créent des obstacles majeurs pour ces mouvements communautaires. Cela soulève une question fondamentale : la formalisation est-elle vraiment nécessaire pour les associations communautaires au Sénégal afin d’être efficaces ?

La nature des associations communautaires au Sénégal

Les associations communautaires au Sénégal sont des groupes, formels ou informels, qui vivent et servent leurs communautés, principalement dans les zones populaires et rurales. Ces organisations comprennent les défis uniques auxquels leurs communautés sont confrontées et travaillent à les résoudre par l’organisation communautaire et l’action sur le terrain. Malgré leur rôle crucial, beaucoup de ces associations restent marginalisées en raison de leur statut informel, ce qui limite leur accès aux opportunités, aux ressources et au soutien nécessaires pour assurer leur durabilité.

Le fait de ne pas être formellement reconnues par les agences gouvernementales prive ces organisations de divers mécanismes de financement et de soutien. Pourtant, malgré ces défis, elles continuent de fournir des services essentiels à leurs communautés. La résilience de ces mouvements communautaires est admirable, mais la question demeure : la formalisation leur offrirait-elle de meilleurs outils et opportunités pour amplifier leur impact ?

L’expérience du CODEVS : De l’informel au formel

Le parcours du Collectif des Volontaires du Sénégal (CODEVS) offre un cas d’étude éclairant. Fondé en décembre 2020, le CODEVS a d’abord opéré en tant qu’entité informelle avec pour mission d’encourager le volontariat communautaire et de promouvoir le service communautaire. L’organisation a été très active, réussissant à organiser deux Journées Internationales du Volontariat avec des associations communautaires et à mener quatre projets de service communautaire, sans aucune reconnaissance légale.

Malgré ces succès, le CODEVS a décidé de se formaliser en 2022, croyant que la reconnaissance légale offrirait un meilleur accès aux ressources et accroîtrait la crédibilité de sa mission. Cependant, le processus de formalisation s’est avéré long et épuisant. Il a fallu 15 mois, de mars 2022 à juillet 2023, pour que le CODEVS obtienne son statut d’association légalement reconnue.

Le processus de reconnaissance légale impliquait plusieurs étapes, notamment la soumission de documents officiels (tels que les statuts de l’association, le procès-verbal de l’assemblée générale et une liste des cofondateurs) et une vérification des antécédents pour les membres clés de l’organisation. Une fois ces étapes franchies, des dépôts supplémentaires ont été effectués auprès des structures de gouvernance locales pour approbation. Après validation, le CODEVS a finalement reçu son identification nationale d’association, ce qui le rend officiellement reconnu par les autorités publiques.

Ce processus bureaucratique est à la fois chronophage et épuisant. Beaucoup d’associations communautaires préfèrent rester informelles pour éviter ce fardeau administratif et se concentrer sur la mise en œuvre de leurs projets communautaires. Après tout, le statut informel ne les empêche pas de fournir des services précieux aux communautés.

Le fardeau financier de la formalisation

La reconnaissance légale entraîne également des charges financières que de nombreuses associations communautaires au Sénégal ne peuvent se permettre. Après avoir obtenu son statut légal, le CODEVS a ouvert un compte bancaire pour assurer la transparence et la gestion financière. Cependant, cette démarche a introduit des coûts supplémentaires que l’organisation n’avait pas anticipés.

Au Sénégal, il n’existe pas de statut bancaire particulier pour les organisations à but non lucratif. En conséquence, les associations communautaires sont traitées comme des entreprises commerciales et sont soumises aux mêmes frais. Cela inclut des frais de maintenance mensuels de 16 500 FCFA (environ 28 USD) et d’autres frais, comme ceux liés à la carte Visa, qui peuvent atteindre un total de 268 000 FCFA (environ 455 USD) par an.

Pour une association communautaire fonctionnant avec un budget restreint, ces coûts sont prohibitifs. Les 268 000 FCFA en frais bancaires pourraient facilement financer un projet communautaire, représentant environ 25 % du budget annuel de nombreuses associations communautaires. Ce fardeau financier limite la capacité de ces organisations à se maintenir, surtout lorsqu’elles dépendent de petites initiatives communautaires pour fonctionner.

Obstacles venant des partenaires financiers

Même après avoir surmonté les obstacles légaux et financiers, les associations communautaires sont confrontées à des défis supplémentaires provenant de partenaires financiers et techniques. De nombreux donateurs exigent que les associations répondent à des conditions strictes, telles que trois années de statut légal minimum et la démonstration de capacités de gestion financière.

Bien que ces exigences soient conçues pour assurer la responsabilité, elles excluent de nombreuses associations communautaires qui manquent de la capacité administrative nécessaire pour répondre à ces critères. La plupart des associations communautaires fonctionnent sans personnel à plein temps et manquent souvent de ressources pour recruter et gérer une équipe dédiée. En conséquence, elles trouvent presque impossible de satisfaire les attentes des partenaires financiers.

Cette situation crée un paradoxe : les organisations qui ont le plus besoin de soutien financier sont souvent les moins à même d’y accéder. Malgré ces obstacles, les mouvements communautaires continuent de mener des projets communautaires impactants, en s’appuyant sur les ressources locales et les efforts des volontaires. Cette résilience soulève des questions importantes quant à savoir si la formalisation ajoute réellement de la valeur à leur travail.

La formalisation est-elle nécessaire ?

Compte tenu des obstacles importants auxquels sont confrontées les associations communautaires pour formaliser leur statut – ainsi que des charges financières et administratives qui en découlent – il est légitime de se demander si la reconnaissance légale est nécessaire pour que ces organisations soient efficaces. De nombreux mouvements communautaires continuent de fonctionner avec succès sans reconnaissance légale, offrant des services précieux et contribuant au développement communautaire.

Cependant, il existe des avantages évidents à la formalisation. La reconnaissance légale ouvre la porte à un plus large éventail d’opportunités de financement, améliore la crédibilité de l’organisation et permet une plus grande transparence et responsabilité en matière de gestion financière. La formalisation peut également aider à assurer la durabilité des mouvements communautaires en leur fournissant un accès aux soutiens institutionnels et aux ressources.

Malgré ces avantages, les cadres légaux et financiers actuels au Sénégal ne sont pas conçus pour soutenir adéquatement les associations communautaires. Le processus bureaucratique de formalisation est trop complexe et chronophage, tandis que les charges financières liées à la gestion bancaire sont prohibitives. De plus, les exigences rigides imposées par les partenaires financiers excluent de nombreuses associations de l’accès aux ressources dont elles ont besoin pour se développer.

Réformer le système : Une voie à suivre

Pour que les associations communautaires au Sénégal puissent prospérer, les systèmes légaux et financiers doivent être réformés pour mieux répondre à leurs besoins. Une solution possible serait de simplifier le processus de reconnaissance légale, en le rendant plus accessible et moins chronophage. Cela permettrait aux mouvements communautaires de formaliser leur statut sans détourner de ressources de leur mission principale : le service communautaire.

Les institutions financières pourraient également jouer un rôle en soutenant les associations communautaires en offrant des arrangements bancaires spécifiques aux organisations à but non lucratif, avec des frais réduits et des exigences administratives allégées. Cela allégerait le fardeau financier des mouvements communautaires et leur permettrait d’allouer plus de ressources à leurs projets.

Enfin, les partenaires financiers et les donateurs devraient reconsidérer leurs exigences pour les associations communautaires. Bien que la responsabilité soit importante, des mécanismes de financement plus flexibles sont nécessaires pour répondre aux défis uniques auxquels ces organisations sont confrontées. Cela garantirait que les mouvements communautaires ne soient pas exclus du soutien dont ils ont besoin pour continuer à offrir des services communautaires impactants.

Conclusion : Renforcer les mouvements communautaires

Les associations communautaires au Sénégal jouent un rôle vital dans le développement des communautés, en particulier dans les zones rurales et défavorisées. Malgré les défis importants en matière de reconnaissance légale et de gestion financière, ces organisations continuent de fournir des services essentiels à leurs communautés. La résilience des mouvements communautaires témoigne de leur importance dans le tissu social et économique du Sénégal.

Cependant, pour libérer tout leur potentiel, les cadres légaux et financiers doivent être réformés pour mieux soutenir ces organisations. En simplifiant le processus de formalisation, en réduisant les charges financières et en offrant des opportunités de financement plus flexibles, le Sénégal peut permettre à ses associations communautaires de continuer à promouvoir le développement local pour les années à venir.